
IDD Science et Science
Fiction - Intervention de Laurent Martinez
LA SF :
HISTOIRE

La SF moderne,
naît au XIXe siècle sous l’appellation de "littérature de l’imaginaire".
Elle évoluera en fonction des avancées technologiques et scientifiques.
L’essor sans cesse croissant de la science, et de nos connaissances,
donneront la matière intellectuelle aux écrivains, où le passé le présent
et l’avenir, s’entrecroisent dans un imaginaire fertile.
La SF connaîtra
plusieurs évolutions majeures. Hommes ou femmes, écrivains ou éditeurs,
trouveront un refuge dans la science. Et les scientifiques eux-mêmes
trouveront des applications à leurs idées dans ces œuvres. Cette relation
fera naître des projets de plus en plus incroyables et insensés.
Mais la SF,
n’est pas toujours d’accord avec elle-même, et chacun de ces acteurs de ce
mouvement littéraire, développeront un courant, un genre, où la religion,
le comportement humain, la science, l’aventure et le romanesque se
croisent et offrent une littérature débordante d’imagination.
La science, ses
progrès et l’Histoire, ont modifié considérablement la vision de notre
futur. Les auteurs de SF ont essayé d’y répondre avec euphorie ou
pessimisme, avec plus ou moins de talent. Mais chaque acteur, porta sa
pierre à l’édifice pour faire de la SF un genre à part entière.
1 ère époque
: La littérature de l’imaginaire

C’est
une période d’espoir fondé sur les techniques et la science. Les auteurs
imaginent ce que sera le futur des hommes.
L’électricité, l’ampoule, la
radio sont des avancées techniques et scientifiques, des expériences
réalisées au fond d’un garage qui vont révolutionner le monde. Le
téléphone en sera aussi la conséquence. La communication entre les gens
s’en verra changer. Et pourtant ce ne sont pas des génies qui les ont
réalisés, mais des inventeurs curieux et instruits.
En 1818,
Mary Shelley impose le mythe du savant fou dans son roman «
Frankenstein ». Un médecin récupère des membres sur des cadavres
humains pour créer un homme. Il lui donnera la vie avec un cœur, et des
sentiments; en se positionnant en tant que père de la créature. Elle marquera toutes les
générations d’auteurs de littérature qui suivront, par un récit empli
d’amour et d’humanité, ou le monstre se révélera plus humain que les
hommes eux-mêmes.
Jules Verne, dés
1864, invitera ses lecteurs à « voyager au centre de la terre » puis
d’aller « de la terre à la lune ». Il sera le fer de lance de cette
génération d’auteurs. C’est une époque romanesque,
une époque ou la communauté scientifique prodigue ses conseils aux auteurs
de littérature de l’imaginaire. Ce fut une relation de pure
utopie. Parce que les écrivains au fait des connaissances, et dans un
optimisme général, sont persuadés que les sciences auront un impact
positif sur le monde, que l’industrialisation résoudra le problème de la
pauvreté, et qu’elle permettra de voyager sans souci.
En 1886, Robert
Louis Stevenson, écrira « Docteur Jekyll et Mr Hyde », et pour la
première fois, ce n’est plus la Terre, ni l’avenir de l’hommes et sa
société, le sujet, mais l’Homme. L’Homme avec toute son ambiguïté, sa
complexité, ses bons et ses mauvais côtés. En cette année, Freud
est jeune diplômé et s’installera à Vienne comme praticien. Il sortira son
premier ouvrage en 1895 : « Etudes sur l’hystérie ». La fin du XIXe siècle, verra
l’émergence d’un nouveau genre. La littérature de l’imaginaire se
transformera en "littérature d’anticipation".
2ème époque : la
littérature d’anticipation

Elle s’appellera «
anticipation » beaucoup plus tard dans le siècle. Les récits s’avèreront
au fil des années des prédications de l’avenir.
En 1895, dans « La
machine à explorer le temps », Herbert Georges Wells évoquera
la possibilité de revenir dans le temps. Il fera revenir son héros en tant
que spectateur dans le passé, mais les évènements le pousseront à agir, et
modifiera tout le futur, et donc son avenir. La même année, Wells
sortira un autre roman : « La guerre des mondes ». Les Martiens
attaquent la terre pour la détruire. L’humanité doit se serrer les coudes
pour sauver la Terre. Wells sera à
l’origine de la première évolution importante de ce qui allait devenir la
science-fiction. Il n’est pas du tout optimiste pour l’avenir, bien au
contraire. Son pessimisme récurrent dans ses textes fera de lui un
écrivain talentueux. Et il écrira beaucoup d’histoires qui seront à
l’origine de bien des genres de notre SF actuelle. « L’homme invisible
» sera son œuvre la plus connu : que ferions nous si nous étions
invisible ?. « L’île du docteur Moreau » sera à l’origine de
l’interrogation des modifications génétiques. Dans ce roman les animaux
sont transformés en homme.
En 1902, George
Méliès fera le premier film de SF de tous les temps : « Le voyage
dans la lune »
En 1914, le monde
bascule dans la première Guerre Mondiale. Les scientifiques sont mis à
contribution. Ils inventeront des armes de destruction massive. On passera
du fusil au coup par coup, que l’on recharge avec de la poudre, à la
mitrailleuse, au char, au gaz moutarde.
Après 1914,
c’est la désillusion, tout le monde pense que la science ne pourrait plus
être utilisée comme arme, qu’elle ne ferait que le mal.
Malgré tout, en
1921, le tchèque Karel Capek inventera un terme qui restera
à jamais graver dans la mémoire collective des auteurs de SF. Pour la
première fois dans sa pièce de théâtre « Rossum’s University Robots
», "les Robots" font leur apparition. En tchèque robot veut dire
travailleur. C’est l’intervention des machines dans le quotidien des
hommes qui est décrit.
3ème époque : la
SF naît.

1923 ;
Hugo Gernsback crée le premier magazine de l’imaginaire : « Weird
Tales » Il évoluera jusqu’en 1926. Le magazine « Amazing Stories » est
né, et pour la première fois, Hugo Gernsback citera le nom de «
Science-fiction » en définissant ce genre littéraire comme : « La
scientifiction, c’est une histoire romanesque attrayant à laquelle se
mêlent des éléments scientifiques et une vision prophétique. »
Gernsback sera à
l’origine de la révolution de la SF. Il fera connaître des auteurs en
publiant des textes qui seront aussi à l’origine des courants et des
genres de la SF moderne. Le cinéma et la BD, offriront aux lecteurs les images et les effets visuels qui
permettront à la SF d’accroître sa renommé et de sortir du clivage d’une
littérature non reconnu.
C’est aussi
pendant l’entre-deux guerre, que l’on commence à voir émerger en France,
en Angleterre et aux USA, des feuilletons publiés tout d’abord dans les
journaux. Puis ce phénomène prendra de l’ampleur et on trouvera de partout
des livres de quelques pages à peine. Ces romans feuilletons auront le
mérite de démocratiser la SF en rendant abordable le prix du livre.
Imprimer sur du mauvais papier, avec beaucoup de coquilles le prix
n’excédait pas les quatre sous de l’époque. Des auteurs se sont illustrés
dans ce domaine, en écrivant des histoires sans rapport avec la science,
mais comme ils étaient payés aux mots, ils n’hésitaient pas écrire des
pages et des pages, sans même une relecture. L’éditeur se charge alors de
compter les mots, de payer l’auteur et d’essayer de tirer profit du texte.
Robert Howard
écrivit une histoire ou "Conan le barbare" prendra place. Le
personnage sera le héros de plusieurs romans. Une des séries les plus
importantes venait de naître.
En cette année de 1932,
Aldous Huxley avec « Le meilleur des mondes » invente une
société qui fait froid dans le dos, encore aujourd’hui. Les scientifiques
et les politiciens s’unissent uniquement pour le pire. Le monde décrit par
Huxley est axé sur un Etat médecin qui contrôle les naissances par
éprouvette. De ce fait, on contrôle le désir des gens, leurs volontés et
surtout leurs votes. Le diktat est celui de l’argent.
En une année on a vu deux
genres être inventés. Howard instaure les bases de ce qu’allait
devenir « l’Héroic-Fantasy » avec Conan le Cimmérien. Et
Huxley réinvente "l’anticipation". Avec Jules Verne,
l’anticipation est "utopique". Avec Huxley, elle est « Dystopique ». Le
monde parfait de Verne à laissé place au monde désenchanté de Huxley.
Deux ans plus tard, Jack
Williamson formera un groupe d’aventurier dans un roman intitulé «
La légion de l’espace ». Les pirates des caraïbes se sont transformés
en pirates de l’espace. "Le Space Opéra" vient de naître
mais n'a pas encore rencontré son maître.
4ème époque :
William Campbell prend les rennes de la SF.

« La science-fiction n’est
pas autre chose que des rêves mis par écrit. La SF est constitué des
espoirs, des rêves et des craintes (car certains rêves sont des
cauchemars) d’une société fondée sur la technologie »
William Campbell
succèdera à Hugo Gernsback juste après sa mort. Campbell reprendra
le magazine de Gernsback : "Astounding stories" et le rebaptise "Astounding
Science-Fiction". Campbell sera plus qu’un
éditeur, il sera conseiller, directeur de collection, il travaillera en
étroite collaboration avec les auteurs. Il en formera beaucoup. Et
finalement ne publiera que les meilleurs textes. Les plus grands auteurs,
iront le rencontrer pour essayer de trouver les idées qui manquent à leurs
textes, et risquer d'éviter le syndrome de la page blanche.
Orson Welles
déclenchera une émeute en 1938 dans New York. Tous les soirs à la
même heure il se fera l’échos d’un phénomène incroyable. Les Martiens
attaquent. Ce fut le premier radio feuilleton diffusé sur les ondes.
En 1940, c’est la
guerre en Europe, la France n’a pas encore cédé aux attaques allemandes.
Alfred Van Voght avec
« A la poursuite des slans » revisite l’idée de Mary Shelley. Les
mutants sont persécutés par les gens dits « normaux », mais ne fait que
survoler cette idée. Ce qui l’intéresse, c’est d’avoir une vision très
simple du monde, qu’il décrit avec une précision de métronome. Beaucoup d’auteurs
s’inspireront de cette idée et créeront ce qu’on appellera les "Métas
Univers". Des planètes entières sont décrites, avec une
population, un écosystème, une religion bien à eux.
Isaac Asimov, en
1942, créera" le Space Opéra" comme on le connaît
aujourd’hui. Avec ses séries majeures du vingtième siècle : «Fondation» et «Les robots». Avec "Fondation" il
invente une science : "la psychohistoire". Il tentera de donner des
bases scientifiques à l’étude du comportement humain ; ayant pour but de
prévoir, sur un millénaire l’évolution des sociétés des Hommes. Avec" Les Robots", il
s’efforcera de démontrer qu’ils peuvent devenir humains ; En mettant en
application dans le premier livre de la série, un robot en prise à des
sentiments, Asimov se dit qu’après tout, ces robots fabriqués par l’homme
pourraient être dangereux.
Il rejoint Shelley
avec son Frankenstein, ou le monstre fabriqué par l’homme peut
s’avérer être dangereux pour son créateur.
Campbell lui
suggèrera d’inventer des lois qu’ont incrémenterai d’office dans les puces
des robots.
-
1ère loi : un Robot
ne peut nuire à un être humain, ni laisser un être humain en danger.
-
2éme loi : un Robot
doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf
quand ces ordres sont incompatibles avec la 1re loi.
-
3ème loi : un robot
doit protéger sa propre existence tant que cette protection
n’est pas incompatible avec la 1re ou la 2e loi.
5e époque : Les
lettres de noblesse pour la SF.

En 1948, George Orwell
écrira son dernier roman. Ce fut le seul roman de SF, qui fut acclamé
par les critiques de tous les arts (littérature générale, SF, Policier,
cinéma, art…) Ce roman fut "1984". Un roman qui décrira un
totalitarisme répugnant ou « big brother vous regarde », « l’ignorance
c’est la force », « la liberté c’est l’esclavage ».
En 1950, Ray
Bradbury
avec « Les chroniques martiennes », placera les plus belles lettres
de noblesse de la SF au panthéon de la littérature. Son talent de conteur
et de poète l’aideront à démontrer que la SF peut vivre sans référence
scientifique.
Orwell et Bradbury,
en l’espace de deux ans, ont réussi à faire aimer la SF au plus grand
nombre.
Hitler, la seconde guerre
mondiale, les camps de concentration, et les millions de morts pour que
l’Europe sorte de l’emprise nazie, ont révélé au monde qu’il n’y avait
rien de plus important que la liberté et la paix.
A partir de 1950, plus rien
dans la littérature ne sera comme avant. Tous les auteurs à leur manière
lutteront contre la peur, les dictateurs sociales ou économiques. Ces deux
auteurs seront inclassables, mais ce n’est plus l’homme, ni la terre, ni
la société qui les intéressent, mais la liberté. Le droit de dire,
d’écrire tout ce que l’on veut, sans censure.
Du début du XIXe siècle et
jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, la littérature imaginaire,
d’anticipation et de SF, n’a cessé de prendre comme témoin les sciences et
les scientifiques. En quête de crédibilité face une littérature générale
de grande qualité servie par des auteurs de grand talent, la SF a su
grandir et évoluer pour enfin accéder à ses lettres de noblesse. Elle a su
trouver au fil des textes, des auteurs, des sujets et des histoires qui
fourniront les fondations nécessaires à un genre à part entière.
Après 1950, le cinéma, la BD,
des collections populaires, ont aidé encore plus à cette reconnaissance.
Mais ceci est une autre histoire.
Quelques anecdotes
:
Herbert Georges Wells
: auteur anglais (1866-1946) auteur de « la machine à explorer le temps) a
écrit le livre « la destruction libératrice ». La première partie du livre
décrit scientifiquement ce qu’est la bombe atomique. Dans la deuxième il
décrira une seconde guerre mondiale qui finira en 1950 par l’explosion de
la bombe atomique. Il écrivit ce texte en 1913.
René Barjavel : il
reprendra à son compte le mythe du voyageur dans le temps. Très inspiré
par Wells, il décrira le paradoxe temporel dans « le voyageur imprudent ».
« Il a tué son ancêtre ?
Donc il n’existe pas
Donc il n’a pas tué son
ancêtre
Donc il existe
Donc il a tué son ancêtre
Donc il n’existe pas… »
Arthur C. Clarke : En
écrivant le scénario de « 2001 l’odyssée de l’espace » avec Stanley
Kubrick, ils inventeront la station spatiale, les sondes galactiques et
surtout l’ordinateur de bord. Dans le scénario l’ordinateur de bord
prendra le contrôle de la station et tuera tous les occupants. Asimov, en
sortant de la première séance de Cinéma, s’est rué sur les journalistes en
criant : « Ils n’ont pas respecté les 3 lois ». Mais si ils avaient
respecté les "3 lois", l’histoire n’aurait peut-être pas eu le même
impact.
Orson Scott CARD :
Internet est dans le domaine public depuis 1994. Mais Card reprendra à son
compte L’ANSIBLE. C’est Internet à très haut débit dans l’espace.
Le cinéma s’inspirera des
écrits de SF :
-
Matrix = Les neuromanciens
de William Gibson
-
Le seigneur des anneaux =
Tolkien
-
Bienvenue à Gattaca =
Aldous Huxley « le meilleur des mondes »
-
Harry Potter = JK Rowling
-
Total recall = Philip K
Dick
-
Blade Runner = Les
androïdes rêvent-ils des moutons électriques de Philip K Dick
Citations
:
Le Martien s’était assis au
sommet d’une falaise. Pour mieux jouir de la brise, il avait pris la forme
d’un sapin…Au pied de la falaise se tenait un américain, le premier que
la
Martien eu jamais vu. Cordwainer Smith : le seigneur de
l’instrumentalité.
La liberté, c’est la
liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le
reste suit. George Orwell : 1984
Pour moi la meilleure des
définitions du genre c’est celle de René Barjavel : «La science-fiction ce
n’est pas un «genre» littéraire, c’est tous les genres, c’est le
lyrisme, la satire, l’analyse, la morale, la métaphysique, l’épopée. Ce
sont toutes les activités de l’esprit humain en action dans les horizons
sans limites. C’est en ce moment la seule littérature vivante du monde
entier.»
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